17 mai 2007

Compte-rendu du témoignage de Mme Clément par Emilie Kljimenta

Mme Clément (Ginette Lion), ancienne déportée au camp de Ravensbrück en Allemagne, près de Berlin, a témoigné de la plus grande déshumanisation connue dans notre histoire : la Shoah, ce qui veut dire en hébreu : anéantissement.

Mme Clément est fille de Monsieur et Madame Lion, parents engagés dans la résistance, et qui furent en Février 1944 déportés au camp tristement célèbre d’Auschwitz, camp d’extermination. Ils furent gazés puis brûlés… Ginette Lion n’avait alors que 15 ans.

L’Allemagne était un pays ébranlé par la 1ere guerre mondiale, avec ses crises économiques et sociales. Les magasins affichaient « rien à vendre aujourd’hui ». Et il y avait aussi la triste condition des juifs. On leur confisquât beaucoup de droits. Il leur était interdit d’exercer une profession pour l’Etat, interdit de fréquenter un hôpital, un cinéma, un musée, le couvre-feu leur était imposé, l’étoile jaune devait être portée dès l’age de 6ans, et certains parcs indiquaient « Interdit aux juifs ». Une personne était considérée comme juive si une personne était juive il y a 3 générations dans sa famille ou même si l’époux (se) était juif (ve).

« Je suis soumise à toutes restrictions, étant juive, il m’est en particulier interdit de poursuivre mes études. »

témoigne Mme Clément. C’est le 27 Mars 1942 qui donne lieu à la première déportation juive.

A proximité des Troyes, sa tante qui travaillait en secret dans un magasin avait décidé d’accueillir des résistants, ainsi que Monsieur et Madame Lion.

« Notre foyer devint rapidement un nid de résistants »

Ceux-ci les informaient sur les actions résistantes et faisaient le point chaque jour.

Un matin à 7 heures, Madame Clément part avec sa sœur et un résistant au magasin car celui-ci devait préparer un trafic. Une voisine arriva affolée « sauvez-vous vite, toute votre famille vient de se faire arrêter ». Toute la famille s’est faite déportée par le convoi numéro 168, qui menait à Drancy, puis à Auschwitz [ci-contre le nom des parents de Ginette Lion sur le mémorial construit à Paris en 2005]. Elles ne les aperçurent que vaguement pour la dernière fois dans un bus. Elles trouvèrent refuge dans un café.

« Sauvées mais seules »

De bons amis chrétiens les accueillerent avec compassion. Les deux sœurs décidèrent ensuite de travailler activement dans la résistance en tant qu’agents de liaison.

« Résister c’était combattre activement contre l’ennemi allemand et le nazisme »

« Etre agent de liaison était une dangereuse mission car il fallait combattre activement contre l’ennemi avec peu de moyens. »


Elle devait transporter des faux papiers, de l’argent, des armes, des communiqués, des émetteurs, ainsi que des messages codés tels que « Les jonquilles vont êtres coupées demain »

Ou même un vers d’un poème de Verlaine « Les sanglots longs des Violons de l’automne blessent mon cœur d’une langueur monotone» déclarait une attaque imminente.

Epinal, Nancy étaient deux grandes plaques tournantes par lesquelles des prisonniers évadés, des recherchés, des juifs, des résistants…passaient pour gagner la « liberté ».

Parmi les résistants, on trouvait également des personnes qu’on appelait les « Justes » car ils abritaient des enfants juifs, cachés, risquant leur vie pour les protéger.

La petite Ginette et sa sœur devaient retirer leur étoile jaune, changer d’identité, donc porter des faux papiers, changer d’état physique, et elle pris le nom d’ « Annick ». Une tante de Paris les hébergeait, mais elle était soucieuse des risques qu’elle prenait.

La première mission de la jeune fille de 16ans fût de transporter une grosse valise à la sortie de Paris. Lors du premier rendez vous il n’y avait personne. Elle n’y trouva personne le lendemain, ce ne fût que le 3eme jour qu’elle trouva un homme silencieux et son silence la rassura : ce n’était pas un ennemi.

Un jour a 4 heures du matin elle dormait dans une chambre avec une petite fille de 10 ans, quand la gestapo arriva. Tout le monde fût arrêté sauf elle et la petite qui étaient cachées. Elle laissa la petite à une sœur et parti à Dijon puis en Bretagne, centre actif de la résistance. Elle y a rencontré le colonel Fabien, déguisé en prêtre. Mme Clément a eu beaucoup de missions

« Ce serait fastidieux de tout vous énumérer ».

En Normandie, en pleine forêt, elle voit un résistant avec une annonce qui prévenait le débarquement en Normandie. Elle pris le train pour Rennes.

«A l’arrivée je me dirige vers la sortie…et je suis littéralement kidnappée par deux hommes en civils »

Dans la voiture, un homme la regardait, couvert de sang et d’hématomes, il semblait désolé. Elle reconnut son chef de secteur. Il a été contraint de donner l’heure de l’arrivée du train de la jeune fille. Une fois avec les SS elle est entièrement dévêtue, et ils découvrent les précieux documents pour le débarquement.

« Commencent alors les interrogatoires »

Elle se fait par la suite torturer, et le lieutenant utilisait de vulgaires expressions. Melle Lion, ne pouvant exprimer la terreur raconta une anecdote :

Le lieutenant : « tu me serreras la main tout de même après la guerre si on se revoit, avec un monstrueux culot

- Mais, vous serrez mort après la guerre ! » Répondit-elle avec le même culot.

Finalement après la guerre ce lieutenant a été condamné à mort.

C’est à partir du 6 Juin 1944 que la jeune fille est tenue comme responsable du débarquement en Normandie. A 4 heures du matin, les supplices commencent : des chocs électriques, le « supplice de la baignoire », ou le « supplice de la goutte d’eau ». Ces supplices durèrent près de trois semaines. Elle avait dévoilé son vrai nom aux Allemands.

« Afin que ma mort inéluctable soit connue de mon vrai nom par ma sœur »

Elle est ensuite mise en cage, rasée, et on l’empêcha de dormir

«Je ne sais pas combien de temps …j’avais complètement perdu le notion du temps […] j’étais une véritable loque humaine »

Elle va par la suite en prison, les cris, les bruits sont toujours les mêmes. Les femmes sont toutes solidaires entre elles. Lorsque les prisonniers allaient se faire fusiller il chantaient à tue tête le Marseillaise.

Une nuit : « qui est Ginette Lion dite Annick ? Elle se désignât. Vous avez été condamné à mort…vous mourrez dans quelques jours ». Mais un bombardement inattendu a permis une évacuation, et les prisonniers sont conduits vers un centre de triage, près de Rennes. Ils étaient 120 par wagon à bestiaux, pendant un mois, avec des femmes enceintes…Personnes ne pouvait être ni debout ni assis ni couché. Deux prisonnières ont réussi à s’enfuir dans une gare où l’on demandait à désaltérer les prisonniers, mais de ce fait les portes ont été définitivement fermées. A Belfort dernière étape avant l’Allemagne, le général Pétain est venu souhaiter un « bon voyage » aux déportés.

Arrivés en Allemagne tout le monde est sorti du train…tous sauf Ginette. Elle pensait que c’était une erreur pourtant ça n’en n’était pas une lui confirma un SS. Elle resta dans le train en présence de nouveaux prisonniers. Au cours de ce voyage il y a eu beaucoup de morts. Au terminus

« Des ordres sont hurlés en allemand…Raus ! »

En sortant elle vit une grande muraille surmontée de barbelés ils étaient arrivés à Ravensbrück, appelé « la petite Sibérie » ou le pont aux corbeaux. Il y avait des baraques en bois, des fleurs, des jardins, des pavillons, mais ce n’était là que le quartier général des SS. Elle vit des femmes habillées en robe bleu à rayures avec des triangles de différentes couleurs. Il était impossible de communiquer, il y avait 26 langues. Les prisonnières commencèrent leur quarantaine sans boire, sans manger. A présent son seul but était de survivre dans cet enfer. Puis à l’issue des ces interminables jours on appela les Françaises, on les doucha, les rasa, leur présenta leur paillasse où elles devaient dormir à 3. Toute pudeur était retirée. On leur jeta leur robe faite en cheveux de femme, et à chacune son triangle. Elle avait un triangle rouge (prisonnière politique).

A 3 heures du matin c’était l’appel. Il fallait se précipiter vers le lavabo, absorber un léger breuvage, et tout le monde à la place d’appel. Ce n’était qu’à 7 heures minimum que les kommandos partaient dans la neige, le brouillard et le froid .L’appel du soir n’avait pas de limite il durait au minimum 2 heures.

Les travaux que Ginette Lion avaient à faire étaient multiples : assécher les marais pour les cendres, faire de l’appareillage électronique pour la compagnie Siemens, faire des masques à gaz, transporter du sable, des objets très lourds, du charbon pour les maisons des SS, ou même aplanir le terrain pour les constructions des routes…Les femmes pouvaient également avoir un travail en rapport avec leur profession.

« La faim nous tenaillait »

Elles n’avaient qu’une soupe d’eau et de feuilles de rutabaga, du pain noir à la sciure de bois et 10g de margarine. Il y avait également beaucoup d’épidémies…

Un matin il lui est impossible de se lever, elle avait une fièvre, accompagnée de plaques rouges sur la peau : elle avait la scarlatine. Elle était contrainte de se rendre au Revier (infirmerie)

« On avait peur d’aller au Revier car c’était plus pour mourir que pour guérir »

Elle devait rester dans le Hall avec des squelettes. Elle est ensuite isolée avec 21 autres femmes.

« Aucun soin ne nous était dispensé »

Une tzigane lui a fait les lignes de la main, et lui a prédit un grand âge.

Comme beaucoup de camps, Ravensbrück avait des médecins bourreaux. Ils injectaient des maladies dans les corps des déportés, leur retiraient de grandes parcelles de leur corps, et y cultivaient des bacilles de tout types. Melle Lion réussit a guérir et retourna au camp souche, où elle ne retrouva pas tout le monde qu’elle avait connu avant d’aller au Revier.

« Certaines se sont jetées dans les fils barbelés, trouvant ainsi délivrance à leur souffrance »

Parfois, les femmes jouaient à de tristes jeux, comme enlever le maximum de poux sur la tête de leur voisine. C’était se battre contre la vermine, trouver encore un peu d’humanité. On leur demandait également de garder leur robe propre et de rester elles-mêmes propres malgré l’hygiène déplorable qu’il y avait.

Melle Lion échappa à la chambre à gaz, car elle était une main d’œuvre jeune et efficace et bon marché : elle était efficace à l’économie de guerre allemande. Un jour, un homme est venu pour une sélection, et elle parti au camp de Schlieben qui dépendait de Buchenwald. Ce camp était encore plus difficile que le camp de Ravensbrück : il y avait plus de punition, la nourriture y était presque inexistante car de toutes façons :

« La main d’œuvre était renouvelable à volonté »

« On a vu bien d’hommes se battre jusqu’à la mort pour une épluchure de pommes de terre »

Les hommes ont disparus, tous dynamités lors d’un convoi.

L’armée rouge est venue libérer le camp, tous les SS et toutes les gardiennes étaient partis. Environs 100 femmes du camp ont obtenu un laissez-passer pour aller vers l’ouest.

Melle Lion a eu l’occasion d’assister à la jonction des troupes russes et américaines à Torgau, une de ses amies y a retrouvé son mari, militaire français.

Melle Lion était la seule déportée à revenir en France avec se robe de travail bleu à rayure. Toute la presse l’a accueilli, elle était très jeune et a réussi à survivre.

Elle est accueillie par une voisine. Sa sœur la pensait morte car elle avait reçu un télégramme l’informant que la petite Ginette de 16 ans avait été fusillée.

Dans leur famille, 9 personnes manquaient à l’appel. Elle avait du mal à se voir dans la réalité, les anciens déportés ne pouvaient pas parler de leur expérience, la société trouvait cela trop horrible et même incroyable.

C’est 10 ans plus tard que Mme Clément est parvenue à se reconstruire, grâce à son mari, Michel Clément.

Ce n’est seulement au bout de 40 ans qu’il lui a été permis de raconter cette douloureuse expérience. Lorsqu’elle parle de son vécu elle se sent revivre cette période de sa vie. Elle n’est jamais retournée dans un camp. C’est son mari qui la représente lors des conférences… Aujourd’hui, elle n’en veut pas aux gens de ne pas l’avoir cru. Elle n’a jamais eu envie de se donner elle-même la mort, même dans les camps.

« A 15 ans on n’a pas envie de mourir »

« Je vous prie de rejeter toute sorte d’extrémisme, de racisme, de xénophobie… »

En félicitant Madame Clément pour son témoignage bouleversant et courageux.

KLJIMENTA Emilie.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

ouf / très très émouvant

Anonyme a dit…

Cette dame est venu nous raconter son histoire , cela etait très émouvant car on ne peut pas s'immaginer que quelqu'un est été traité avec autant de haine !!